Toitures végétalisées : de nombreux bénéfices écologiques

© Projet GROOVES / ARB IDF - grandparisdurable.org
© Projet GROOVES / ARB IDF

Entre 2017 et 2019, l’agence régionale de la biodiversité Île-de-France et ses partenaires ont étudié 36 toitures végétalisées afin de mieux comprendre leurs bénéfices. L’accueil de la biodiversité, la rétention d’eau et le rafraîchissement font partie des services évalués.

Avec l’essor des politiques de nature en ville, le développement des toitures végétalisées s’est accéléré depuis les années 2000. Ces dernières intéressent les aménageurs et les architectes, comme un moyen de rendre la ville plus hospitalière au vivant. Dans un contexte de changement climatique, la végétalisation du bâti apparaît comme l’un des leviers pour adapter les secteurs urbains denses, très minéralisés, à ses conséquences (îlot de chaleur, gestion de l’eau de pluie…).

La majorité d’entre elles sont des toitures extensives, largement plébiscitées en raison de leur légèreté, de leur facilité d’installation et du peu d’entretien requis. Depuis, d’autres formes de végétalisation se sont développées et diversifiées grâce aux apports de l’écologie urbaine.

Les toitures végétalisées demeurent un objet d’étude récent, et des incertitudes persistent sur leur capacité à répondre aux multiples enjeux environnementaux. Afin d’en savoir plus, l’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France a réalisé entre 2017 et 2019 une étude scientifique pour mieux quantifier et qualifier les bénéfices des toitures végétalisées. 

Menée de 2017 à 2019, l’étude GROOVES, pour Green ROOfs Verified Ecosystem Services (Évaluation des services écosystémiques des toits végétalisés), a sélectionné 36 toitures sur le territoire de Paris et de la petite couronne. Elles sont identifiées selon trois catégories distinguées par la profession, en fonction principalement de la profondeur de leur substrat :

  • 18 toitures extensives (entre 0 et 15 cm de substrat)
  • 6 semi-intensives (entre 15 et 30 cm)
  • 8 intensives (au-delà de 30 cm)
  • 4 Wildroof (toitures non plantées, où pousse une flore spontanée)

Une biodiversité variée sur les toits

Au total, environ 400 espèces de plantes ont été observées sur les 36 toitures étudiées. Afin de pouvoir comparer cette richesse floristique avec les autres espaces verts urbains, le protocole Vigie-Flore a été effectué : 292 espèces de plantes ont été observées, dont 70 % sont spontanées (véhiculées par le vent ou la faune). Cela confirme le rôle joué par les toitures végétalisées dans l’accueil d’une biodiversité variée, parfois rare, en ville. La distinction entre plantes spontanées et plantées initialement apporte une information complémentaire pour comprendre l’écologie des toitures et leur capacité d’accueil pour la biodiversité urbaine.

Du côté de la faune, et plus particulièrement des invertébrés, on dénombre 611 espèces observées sur ces toitures. On constate une diversité importante de groupes taxonomiques, notamment en isopodes (cloportes), myriapodes (mille-pattes) et collemboles (très petits animaux du sol, dont la morphologie atypique les distingue des insectes). Ces derniers sont principalement détritivores et se chargent du recyclage de la matière organique.

Plus haut dans la chaîne trophique, les phytophages sont largement représentés par les coléoptères, orthoptères (criquets et sauterelles) et hémiptères (punaises et cicadelles). Conséquence de cette diversité, des cortèges d’arthropodes prédateurs sont présents, avec les araignées, les hyménoptères (ordre d’insectes regroupant notamment les abeilles, les guêpes, les fourmis et les frelons) et certains coléoptères.

La rétention des eaux pluviales

L’analyse des substrats en laboratoire a permis de mieux comprendre le potentiel de stockage de l’eau par les toitures. Il existe une grande variation entre elles, principalement due au type de substrat, à sa profondeur et à sa granulométrie (taille des éléments du sol). La toiture la moins absorbante retient 6 L/m² avec 3,5 cm d’épaisseur de substrat, tandis que la plus absorbante est capable de retenir 532 L/m² avec une épaisseur de substrat de 100 cm.

Ces résultats peuvent être utiles aux collectivités dans le cadre des stratégies d’adaptation au changement climatique, notamment pour anticiper le besoin de gérer les eaux pluviales à l’échelle d’une opération d’aménagement.

Contribution au rafraîchissement urbain

Les toitures extensives s’avèrent en moyenne 50 % moins performantes que les toitures semi-intensives et intensives dans les services évalués © Institut Paris Région / ARB IDF

Afin d’évaluer le potentiel de rafraîchissement des toitures végétalisées, l’évapotranspiration des végétaux (eau transférée du substrat vers l’atmosphère par la transpiration des plantes) a été évaluée par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) sur 14 d’entre elles, en été et à l’automne.

Les mesures d’été varient entre 7 W/m², ce qui correspond à une évapotranspiration faible – et donc un faible potentiel de rafraîchissement –, et 190 W/m², soit une évapotranspiration plus forte. Seulement 6 toitures sur les 14 étudiées présentent des valeurs d’évapotranspiration supérieures à 100 W/m² et seraient donc en capacité de rafraîchir la surface de la toiture, mais pas nécessairement au-delà.

Les résultats semblent confirmer l’importance de l’épaisseur du substrat et du type de végétation. Néanmoins, ces mesures sont influencées par les conditions microclimatiques locales (ombrage, passages nuageux, circulation du vent…) et peuvent présenter de fortes variations.

Enfin, l’évapotranspiration est, par nature, dépendante de la disponibilité en eau dans le substrat, et pourrait donc être restreinte en cas de canicule ou de sécheresse prolongée. À l’échelle de la ville, la contribution au rafraîchissement urbain par la végétation en toiture semble minime par rapport à celle d’autres espaces de nature au sol (alignements d’arbres, espaces boisés, etc.).

Ne pas tout attendre des toitures végétalisées

Il apparaît clairement que l’on ne peut pas tout attendre des toitures végétalisées, que ce soit en matière d’accueil de la biodiversité, de gestion de l’eau, de rafraîchissement ou de pollinisation. En revanche, il est possible de les concevoir et de les gérer, afin d’optimiser certaines de ces fonctions, selon le secteur où l’on se trouve ou les objectifs fixés par la collectivité.

Les résultats montrent, comme souvent en écologie, qu’il n’y a pas de « recette idéale », mais que les recommandations varient en fonction du groupe d’espèces considéré, du critère analysé, de la situation géographique, etc.

Les 36 toitures étudiées

  • Périmètre de Paris et de la petite couronne
  • Sur des bâtiments publics et privés, de 2,7 à 30 mètres de hauteur
  • Des surfaces végétalisées comprises entre 91 et 2 980 m²
  • Une grande majorité de toitures récentes (entre 0 et 15 ans). La plus ancienne : celle du centre logistique Mozinor (1975), à Montreuil. La plus récente : celle de la Seine musicale, à Boulogne Billancourt (2017)
  • Des toitures pour l’essentiel non accessibles au public, sauf deux d’entre elles, accessibles aux scolaires, dans un but pédagogique
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