L’intelligence artificielle au service de l’optimisation énergétique

Industrie, bâtiment, mobilité… Les secteurs d’activités couverts par l’intelligence artificielle ne cessent d’augmenter. A la clé : une aide précieuse pour réduire ses consommations et atteindre la sobriété énergétique.

Optimisation de la charge des batteries d’une flotte de bus électriques, détection de fuites d’eau, alertes en cas de consigne de chauffage non-respectée, suivi en temps réel des consommations énergétiques, création d’un jumeau numérique (digital twin) pour analyser les données liées aux équipements, outils, comportements, consommations et environnements en milieu industriel… L’intelligence artificielle conquiert chaque mois de nouveaux domaines. Et ses promesses sont alléchantes.

« Nous sommes capables de réduire – à l’échelle d’un bâtiment, d’une ville ou d’un territoire – la consommation énergétique de 20% en seulement 6 mois, et cela sans travaux », déclare Benoit Vagneur, Directeur Général de Sensing Vision, société fournissant des plateformes d‘efficacité énergétique pour les bâtiments tertiaires.

« Avec l’IA, la consommation d’énergie des industriels peut diminuer d’environ 15 % », affirme de son côté Vincent Sciandra, P-DG de Metron, entreprise ayant développé une solution d’intelligence énergétique destinée au secteur industriel et de la mobilité durable.

 AUGMENTER L’ÊTRE HUMAIN

« Notre rôle est d’apporter aux décideurs – dans l’entreprise – des outils génériques capables de monter en charge. Nous proposons pour cela une technologie qui prend la forme d’un assistant virtuel – qu’on appelle Energy Virtual Assistant – dont le rôle est d’augmenter l’humain », note Anthony Gadiou, Chief Digital Officer de Metron.

« Les données brutes, celles qui viennent des capteurs disposés dans les bâtiments d’une collectivité par exemple, vous n’en faites rien. Les données n’ont de valeur que quand vous les croisez et que vous travaillez sur des modèles », précise quant à lui Benoit Vagneur (Sensing Vision).

Mais en quoi consistent précisément ces modèles ? « Nous associons deux types de technologies : le machine learning et les ontologies. Le machine learning est un ensemble d’algorithmes qui apportent une capacité d’apprentissage à la machine. Les ontologies sont des bases de données permettant de stocker et de structurer la connaissance humaine en apportant à la machine une capacité de raisonnement », détaille Anthony Gadiou (Metron).

DES OPTIMISATIONS 100% CONTEXTUALISÉES ET RÉPLICABLES

De cette capacité de raisonnement – acquise par l’intelligence artificielle – découlent des optimisations complètement contextualisées qu’il est possible de répliquer dans des environnements similaires.

« Le machine learning permet d’identifier des optimisations énergétiques pas forcément intuitives pour l’humain et l’industriel car issues uniquement de la donnée. C’est grâce à la donnée récupérée qu’on peut détecter des corrélations, des causalités. La seule limite de ce processus est qu’il est très manuel. Les data scientists collectent, nettoient et filtrent la donnée, créent des modèles et parviennent à des optimisations qui ont du sens pour un cas d’usage précis », explique Anthony Gadiou (Metron).

« Grâce aux ontologies, nous apportons du sens énergétique et industriel aux données, aux analyses et aux optimisations, pour donner à notre IA une meilleure connaissance de son environnement et une plus grande autonomie. Ainsi, on peut détecter et dupliquer des optimisations énergétiques dans des contextes similaires », complète Anthony Gadiou (Metron).

3 MOIS MINIMUM DE DONNÉES BRUTES POUR CRÉER UN MODÈLE

Démarche similaire chez Sensing Vision. Sa plateforme « Energy Suite » fait tout d’abord appel à des capteurs faisant remonter les données de compteurs d’eau, de gaz, d’électricité, de réseaux de chaleur mais aussi des données liées à l’usage des bâtiments : température, taux d’humidité, luminosité, fréquentation, taux de CO2, mouvements… A ces données sont ajoutées des informations tierces de type météo, coût d’énergie, agenda d’usage des bâtiments ou des données quasi temps réel de type compteur Linky.

« Il nous faut au minimum 3 mois de données pour pouvoir fonctionner. Grâce au deep learning, nous établissons l’équation implicite décrivant le fonctionnement énergétique du bâtiment, c’est-à-dire les relations qui existent entre la consommation énergétique, le service rendu – la température dans un bâtiment – et les conditions météorologiques. Cette première étape de deep learning est du calcul massif sur un jeu de données. Une fois que l’équation fonctionne, on la valide sur un deuxième jeu de données. On peut ensuite considérer que le modèle numérique est construit », commente Benoit Vagneur (Sensing Vision).

VÉRIFIER QUE LE SERVICE RENDU EST BIEN AU RENDEZ-VOUS

Une fois le modèle numérique construit – bâtiment par bâtiment -, il est confronté aux données temps réel. « Nous cherchons alors à savoir si le service est rendu ou pas, c’est-à-dire si telle ou telle école est bien chauffée à 20° C pendant la journée, à 17° C pendant la nuit et à 16° C pendant les vacances scolaires », précise Benoit Vagneur (Sensing Vision).

« Nous cherchons également à identifier des défauts et des anomalies comme une fuite d’eau ou une panne de panneau photovoltaïque. Enfin, nous calculons des potentiels d’économies sur 2 axes. Le premier axe est centré sur la consigne : ‘Combien je gagne de chauffer mon bâtiment à 20° C plutôt qu’à 23° C, sachant que 1 degré équivaut à 7% de la facture d’énergie’. Le deuxième est centré sur l’usage : ‘Combien je gagne à chauffer – pendant les vacances scolaires – mon internat (vide) à 16° C plutôt qu’à 20° C ?’ », ajoute Benoit Vagneur (Sensing Vision).

MOBILITÉ : UN NIVEAU DE COMPLEXITÉ IDENTIQUE À CELUI DE L’INDUSTRIE

Industrie, bâtiments tertiaires, collectivités… Les services rendus par l’IA concernent également le domaine de la mobilité durable. « Nous sommes confrontés au même phénomène de complexité dans le pilotage de la mobilité – qui est un véritable écosystème – que dans le secteur industriel. Nous devons, par exemple, appréhender à la fois les tournées des bus électriques mais aussi leurs problématiques de recharge », déclare David Gau, Head of Mobility chez Metron.

« Le machine learning permet de modéliser la consommation d’un bus et de prévoir sa consommation en fonction des conditions de trafic, de la météo, du conducteur du bus mais aussi des données liées au moteur, aux pneus, etc. Cette modélisation est ensuite étendue à toute la flotte », note Julie Pellerin, en charge de l’innovation produit chez Metron.

« L’IA permet également de faire du smart charging, c’est-à-dire de minimiser le coût de la charge et de lisser les pics de consommation au sein d’un dépôt de bus par exemple. Pour cela, nous utilisons un algorithme dont l’objectif est de respecter à la fois les contraintes opérationnelles (le planning des véhicules), les contraintes d’infrastructure (l’emplacement des bornes), les contraintes techniques (les recommandations constructeurs pour les batteries) et les contraintes juridiques (les contrats énergétiques signés, dont certains prévoient des variations de prix toutes les heures ou selon des plages horaires). L’algorithme peut aussi intégrer la volonté de consommer des énergies renouvelables en local, pendant la journée », conclut Julie Pellerin (Metron).

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