Reconvertir les friches industrielles pour moins artificialiser les sols

© Peter H – Pixabay
Dans un contexte de maîtrise de l’étalement urbain et de tensions sur l’usage des sols, la reconversion des friches constitue un véritable enjeu pour l’aménagement durable des territoires.

Il existe en France quelque 7 000 sites et sols pollués ou potentiellement pollués appelant une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif, selon la base de données Basol administrée par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire.

Une autre base, appelée BASIAS (Base nationale des Anciens sites industriels et activités de service), réalise – elle – un inventaire historique des sites industriels et activités de service dans chaque région mais elle ne donne pas d’indication sur l’état des sites recensés.

Elle compte à ce jour environ 300 000 sites. Souvent localisés près des agglomérations, ces sites souvent pollués peuvent être reconvertis (après dépollution) en zones d’activités. Cette remise en état présente de multiples avantages : elle permet à un site, quand il est pollué, de ne plus l’être, et ne crée pas d’artificialisation des sols additionnelle.

L’artificialisation des sols repart à la hausse en France

L’artificialisation des sols consiste à transformer un sol naturel, agricole ou forestier par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…). 

On estime actuellement que le taux d’artificialisation des sols est proche des 10% en France. Après une période de baisse constante entre 2009 et 2016, la tendance est repartie à la hausse en 2017 et 2018, selon l’Observatoire national de l’artificialisation des sols (voir graphique ci-dessous).

Evolution de l’artificialisation entre 2009 et 2018 (France métropolitaine)
Source : Fichiers fonciers / Observatoire national de l’artificialisati
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« Cet étalement de l’urbanisation réduit la capacité des terres agricoles à nous nourrir, augmente les distances parcourues lors de nos déplacements individuels, accroît les dépenses liées aux réseaux (routes, électricité, assainissement…) et par voie de conséquence accélère la perte de biodiversité, contribue au réchauffement climatique et amplifie les risques d’inondations », peut-on lire sur le site de l’Observatoire national de l’artificialisation des sols.

Ile-de-France : la disparition des espaces agricoles, naturels et forestiers se ralentit

L’Ile-de-France dispose d’un atlas cartographique informatisé de l’occupation du sol : le MOS (Mode d’occupation du sol). Il est géré par l’Institut Paris Région (ex-IAU Ile-de-France). Réalisé à partir de photos aériennes couvrant l’ensemble du territoire régional, il permet de distinguer les espaces agricoles, naturels, forestiers et urbains (habitat, infrastructures, équipements, activités économiques, etc.) selon une classification allant jusqu’à 81 postes de légende.

Dans son édition 2017, le MOS met en avant un ralentissement de la diminution des espaces agricoles, naturels et forestiers. Selon Muriel Adam, architecte-urbaniste au sein de l’Institut Paris Région, « Le MOS 2012 / 2017 s’inscrit dans la continuité du précédent MOS (2008 / 2012). On avait en effet déjà constaté une diminution de la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers. Dans la période 2012 / 2017, la consommation de ces espaces continue de diminuer. 590 hectares ont disparu en moyenne chaque année entre 2012 et 2017 contre 655 ha / an lors de la période précédente », a-t-elle déclaré lors d’une restitution du MOS 2017.

On le voit très nettement sur le graphique ci-dessous indiquant, poste par poste, les variations (disparitions / apparitions) d’une période à l’autre. Les espaces agricoles continuent de disparaître mais à un rythme moins soutenu.

La reconversion des friches industrielles contribue à moins d’artificialisation des sols

Les raisons expliquant ce ralentissement des disparitions des espaces agricoles sont multifactorielles. La reconversion des friches industrielles fait partie de ces facteurs explicatifs. Depuis 2010, l’Ademe contribue ainsi au renouvellement urbain par le soutien à la reconversion des friches polluées. Son objectif est de créer des logements, des pôles d’activité économique et d’équipements publics. 95 opérations (soit au total 102 projets) ont ainsi été aidés financièrement entre 2010 et 2016.

Les opérations portent sur des opérations d’aménagement (58%), de promotion immobilière (37%) et d’équipements publics (5%). L’Agence a apporté 38,5 millions d’euros d’aides pour 217 millions d’euros de travaux de dépollution. L’Ile-de-France concentre à elle seule 17 opérations.

Selon l’Ademe, les actions de soutien apportées aux 95 opérations nationales a conduit à la reconversion de 490 ha de foncier. Mais l’Ademe estime que ce sont au final 762 hectares de sols agricoles qui n’ont pas été artificialisés grâce à ses aides. « L’exploitation des données compilées dans la base de données Teruti-Lucas montre que pour 1 m² de terrain destiné au logement individuel, c’est au global 1,55 m² qui sont artificialisés afin de tenir compte des infrastructures et équipements publics, Ainsi, compte tenu du nombre de logements prévus par les 95 opérations, les 490 ha de foncier reconvertis conduisent à éviter l’artificialisation de 762 ha, soit la superficie de plus de 1 000 terrains de football », détaille l’Ademe

Deux exemples concrets : Montrouge et Marcoussis

On peut citer deux exemples. Tout d’abord, le site de l’ancienne blanchisserie Bobin, à Montrouge. D’une surface de 7 000 m², ce site présentait les pollutions suivantes : présence de deux cuves enterrées de fioul dégageant de fortes odeurs d’hydrocarbures dans les sous-sols et concentration anormale en solvants chlorés dans l’air ambiant.

Conversion de l’ancienne blanchisserie Bobin (Montrouge) en immeubles de bureau © Bouygues Immobilier / Ademe

La société Bouygues Immobilier a acquis le terrain de l’ancienne blanchisserie afin de réaliser un programme comprenant deux bâtiments neufs de bureaux. Parmi les modalités de gestion identifiées, la technique de dépollution par venting a été jugée la plus adaptée, à la fois au regard de son action sur les polluants et pour sa faible empreinte carbone. En effet, réalisée en place, elle ne nécessite ni évacuation en centre de traitement ni même d’excaver les terres.

Le coût total de la dépollution a été de 1,34 million. La participation de l’Ademe s’est montée à 572 KE. Au total, 10 000 m3 de sols ont été traités par venting (extraction d’air par mise sous vide ou dépression), sur une durée de 18 mois. Le volume d’air pompé et traité a été de 5,7 Mm3, pour 10,2 tonnes de polluants retirés.

Une ferme solaire sur un ancien chantier SNCF

Autre projet emblématique en Ile-de-France : l’ancienne friche des Arrachis, à Marcoussis, dans l’Essonne, devrait accueillir la plus grande ferme solaire de la région d’ici 2020. Sur une surface de 46 ha, le site – laissé à l’abandon depuis plus de 25 ans – avait été acheté par la SNCF en 1985, puis utilisé dès 1987 comme dépôt de matériaux inertes, héritage du chantier de la ligne TGV Atlantique.

Plan d’implantation de la future ferme solaire sur l’ancienne friche des Arrachis, à Marcoussis © Engie Green / Sigeif

Il devrait voir pousser plus de 76 000 panneaux solaires pour une production annuelle de 24 GWh. Le projet est développé par la société « ENGIE PV MARCOUSSIS 1 », filiale du SIGEIF (Syndicat Intercommunal pour le Gaz et l’électricité en Ile-de-France) et d’Engie Green, elle-même filiale d’Engie, spécialisée dans les énergies renouvelables.

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